« Un trou dans la tête » : Fonctionnement altéré de la mémoire après un vécu de viols par inceste ayant duré plusieurs années
Fiche mise à jour le 21 octobre 2020
En bref
Description
Université Paris Descartes - Laboratoire d’éthique médicale et médecine légale, Paris
Résumé :La spécificité des viols par inceste, qui se déroulent sur de nombreuses années porte atteinte à la mémoire. Quel est le rôle de l’amygdale, du cortex et de l’hippocampe ? C’est une ébauche d’étude sur la mémoire traumatique et les conséquences d’un trauma complexe telles que la dissociation péritraumatique, l’évitement et l’emprise tant celle de l’agresseur que celle de la revictimation par la société.
Sommaire :Les viol par inceste
- Autour de l’hypothèse
- A propos des viols par inceste
- Définition de l’inceste par le DSM IV
- Le viol est une effraction
- Études épidémiologiques
La victime
- L’accessibilité à la reconnaissance en tant que victime
- La légitimité en tant que victime
- Un trou dans la tête
- La représentation par l’écrou rouge
- Le poids de l’écrou sur la relation au temps
- ESPT complexe vers DESNOS
- Desnos: Diagnosis of Extreme Stress Not Other-wise Specified: Trauma complexe
La question de la mémoire. Qu'est-ce qui perturbe la mémoire ?
- La mémoire – les mémoires
- Comment se structure la mémoire
- Quelles sont les mémoires ?
- Généralités
- Le rôle de l’amygdale, du cortex et de l’hippocampe
- Mémoire et identité
- La mémoire autobiographique
- La mémoire émotionnelle
- La sédimentation des souvenirs
- Une autre mémoire : la mémoire du corps
- La douleur
- Les réactions incontrôlables de la génitalité
- L’amnésie traumatique
- L’amnésie au cours d’une relation sexuelle
- Quelles sont les conséquences des viols sur la mémoire
- Les conséquences des troubles dissociatifs sur la mémoire
- La PAN (partie apparemment normale) et la PE (partie émotionnelle)
- Conclusion sur les troubles dissociatifs
- La PAN (partie apparemment normale) et la PE (partie émotionnelle)
- Les conséquences des troubles dissociatifs sur la mémoire
- Les conséquences du symptôme d’évitement sur la mémoire
- La prise de parole est difficile
- L’alexithymie
- L’évitement commence à l’adolescence
- L’autoculpabilité entraîne des situations d‘évitement
- Le retrait social
- L’échec scolaire : une impossibilité à se concentrer
- La mémoire et l’intelligence
- Les conséquences de l’emprise sur la mémoire
- L'activation des symptômes d’activation neurovégétative
Annexes I
- Question prioritaire de constitutionnalité
- Terminologies en matière de mémoire
- Le retentissement des violences lié à la mémoire traumatique
Ce travail est consacré aux incidences, en particulier sur la mémoire, d’un traumatisme très particulier : les viols par inceste, qui se déroulent sur de nombreuses années. Nous pensons que ce cas de figure est fréquent, malgré le défaut d’études officielles, mais un travail militant fourni.
Nous avons maintenant une trentaine d’années de recul sur les premières études des conséquences des viols par inceste et l’apport des énormes progrès de l’imagerie du cerveau.
La mémoire qui permettrait une insertion réussie dans le « monde » est atteinte et que de ce fait, la personne agressée est doublement victime. Une personne ayant subi des viols pendant plus de dix ans, n’a pas besoin de se remémorer. L’effraction au plus profond du psychisme humain a eu lieu, l’image ne s’efface pas. La personne sait que ça a existé, et la remémoration ne servirait à rien. Elle s’est entrainée à oublier afin de survivre.
Mais qu’est-ce qui est effacé ? Le temps est aboli, rien n’est oublié, mais pour pouvoir vivre il a fallu mettre en place des mécanismes psychiques couteux : dissociation, hypervigilance qui ne permettent pas à l’attention normale de se fixer et qui sont donc des atteintes de la mémoire ; celle qui permet d’enregistrer et de se souvenir pour pouvoir ensuite redonner. Le traumatisme reste actuel (il n’est pas sous le contrôle de la volonté) et de ce fait demeure pathogène.
Tous les inceste-é-s – une dénomination adelphique – qui ont vécu les viols longtemps ont une force de lutte et de conceptualisation intéressante parce qu’ils ne sont pas embarrassé-e-s par les oublis et la vérité à établir. Ils luttent contre l’imposition du non dit par la société et l’entourage qui force au déni. Comme ils ont l’air d’aller bien, puisqu’ils sont dissociés, la société reste dans le déni de soin et de reconnaissance à leur égard. Je pense que cette pression est de l’emprise qui constitue un élément du trauma et qui lui-même conduit à la dissociation pour permettre la survie psychique. Emprise et dissociation attaquent la mémoire. Un moyen de survie pour ne pas
se rappeler qu’on n’a pas le droit de se souvenir.
Les viols par inceste répétés, et sur une longue durée, altèrent le fonctionnement de la mémoire. Je me propose, après avoir défini l’inceste, de montrer à l’aide de travaux récents, l’incidence d’un traumatisme de type III sur la mémoire de la victime. J’utiliserai au cours de ce travail une biographie de Rita Hayworth par Barbara Leaming, en 2008 – violée et manipulée par son père avec une comorbidité alcoolique qui finit avec la maladie d'Alzheimer – et le témoignage d’une Auteure obligatoirement anonyme –1993 – violée par son père. Elles sont représentatives pour le vécu de viols durant plus de dix ans dans un milieu social aisé.
Mots clés SantéPsy :Victimologie, Mémoire, Inceste, Traumatisme psychique, Agression sexuelle intrafamiliale, Symptôme, Évitement, Culpabilité, Retrait relationnel, Emprise
Mots clés libres :Mémoire traumatique, Traumatisme complexe, Trouble dissociatif