Emmanuelle Béart : sous l’emprise de l’inceste : épisode du podcast Sous emprise

Emmanuelle Béart ©AFP - Valery Hache
Emmanuelle Béart ©AFP - Valery Hache
Emmanuelle Béart ©AFP - Valery Hache
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Dans ce documentaire qu'elle co-réalise avec Anastasia Mikova, Emmanuelle Béart victime d’inceste dans sa jeunesse, confronte sa réalité à celle d'autres victimes : les ravages physiques et psychiques au fil du temps, la difficulté à formuler son histoire face à l'entourage et face à la justice.

Avec

Une petite fille sur cinq, un petit garçon sur douze, un français sur dix est, a été ou, sera victime d’inceste.

L'inceste débouche sur une condamnation dans 3% des cas, et les plaintes sont, les trois quarts du temps, classées sans suite.

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“Si ma grand-mère n’était pas intervenue, si on ne m’avait pas mise dans ce train à l’âge de 15 ans pour rejoindre mon père, je ne suis pas certaine que j’aurais réussi à vivre : c’est aussi violent que ça, c’est aussi réel que ça. Et je sais combien il est difficile de se représenter ce qu’est l’inceste quand on ne l’a pas vécu. Mais au vu de l’ampleur de ce désastre, nous pouvons tous nous demander quelle est cette société, où dans le fond, on a l’impression que tout le monde est d’accord pour ne pas lutter contre. Ça a été notre travail à Anastasia et moi : lutter contre, de toutes nos forces. Ce n’est plus à nous de prendre la parole, ce film existe. Je ne sais pas encore les répercussions qu’il aura sur moi, mais je sais que je l’ai fait aussi par amour, pour l’enfant que j’ai été.” Emmanuelle Béart

« J'ai onze ans. C'est la nuit, j'en suis sûre. Tu déchires mon sommeil comme tu déchires sans bruit aucun, ma chemise de nuit. Comme si cet arrêt dans le temps, ce silence polaire te laissait tout l'espace. Et comme si déjà, il était inscrit que personne ne témoignerait jamais. J'ai très froid. Aucun cri ne sort de ma bouche. Les mots ne se forment pas, ma bouche, elle est cousue. Quand il fait jour à nouveau, tout semble intact, comme si de rien n'était. Et si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien, c'est que tout peut recommencer et tu recommenceras pendant quatre ans. Aujourd'hui, les séquelles restent plantées là dans mon ADN. Mes nuits sont blanches les unes après les autres. Je hurle dans le silence, comme des milliers d'autres que personne n'entend. » Ce monologue d’Emmanuelle Béart est extrait du documentaire « Un silence si bruyant » diffusé sur M6 le 24 septembre 2023 qu’elle a coréalisé avec Anastasia Mikova.

Un silence qui détruit

On retrouve Emmanuelle Béart derrière et devant la caméra pour raconter l'inceste, celui qui frappe trois enfants par classe de 30 en moyenne, celui qu’elle a subi, dont elle a tenté de parler et qu’elle a tus pendant des années. Et puis un jour, un déclic et trois ans plus tard, voici ce film. Et Emmanuelle Béart peut enfin mettre des mots : « Dans un premier temps, c’est le silence de l'enfant, même si ce n'est pas parce que je me suis tue que je n'ai pas compris. C’est seulement que je n’ai pas trouvé les mots et surtout, je n'ai pas trouvé la personne à qui le dire pendant des années. Ensuite, c'est le silence de l'adulte et ce silence, est totalement malsain, il détruit. Il faut trouver des espaces de prises de parole, en ce qui me concerne, il a fallu que je trouve la façon de le dire. Aujourd’hui, j’arrive à en parler publiquement, je me suis posé la question de comment ouvrir un espace de pensée sur le traumatisme collectif qu'est l'inceste. »

Le zoom de la rédaction
4 min

Les mots sont le premier soin

Si face à l’inceste, les mots sont le premier soin, ils sont aussi ce qu’il y a de plus dur à trouver : « Si on a fait ce documentaire avec Anastasia Mikova, c'est aussi pour réussir à trouver les mots, pour rendre palpable ce qu'est l'inceste. Le dialogue avec soi-même est déjà très difficile, et ça l'est pour tous ceux qui témoignent dans ce film. Cela fait partie du silence dont on parlait. Ce film existe aussi pour ça, pour rendre palpable ce qui est la communicable. » Pour rappel, une petite fille sur cinq, un petit garçon sur douze, un Français sur dix a été, est ou sera victime d'inceste, des chiffres glaçants.

Un problème de politique publique

Emmanuelle Béart est née le 14 août 1963 dans la région de Saint-Tropez. Son père, Guy, est chanteur et vit à Paris. Il est parti très tôt de la maison. Emmanuelle n’a pas beaucoup de souvenirs de ses parents ensemble. Sa mère, Geneviève, ex-mannequin, est une femme très engagée dans la vie associative et politique. À la tête d'une famille de cinq enfants dont Emmanuelle est l'aînée, sa mère la trimballe partout. Emmanuelle a toujours été très discrète sur sa vie privée et son enfance : « Si je prends la parole aujourd'hui, c'est pour aller au-delà de mon histoire, pour déclencher une prise de conscience, que les gens entendent ce que ça veut dire que de vivre un inceste et les séquelles psychiques et physiques que ça entraîne et qui vous accompagnent tout au long d'une vie. Mais c'est aussi un problème de politique publique et il faut s'en emparer. Notre film est aussi un outil pour provoquer les pouvoirs publics. »

Le silence des victimes

Un enfant victime d’inceste se tait, car cela fait aussi partie de la stratégie de la personne qui agresse, celle de l’isolement : « On n’est pas agressé par hasard, le terrain est favorable, il y a une forme de solitude autour de la personne  agressée. Il y a une fragilité de l'entourage qui permet à l'agresseur de pouvoir agir comme ça pendant des années, c'est évident. En ce qui me concerne, mon agresseur n'a même pas eu besoin de me dire de me taire, je me suis tue de moi-même. Et puis, on se sent lâche de ne pas l’avoir dit, de ne pas avoir été courageuse, et c’est un sentiment qui vous suit toute votre vie. Et puis le viol, c’est aussi le déplacement. On vous attribue une place qui n’est pas celle d’un enfant. »

Perdre son identité

Emmanuelle Béart a subit un inceste de ses 10 à ses 14 ans : « C'est très important pour moi que les gens comprennent qu'il ne s'agit pas de pulsion sexuelle de la part de l’agresseur, c'est une stratégie, une volonté d'écrasement, de nier littéralement le plus faible, et donc l'enfant. Comment fait-on pour exister quand on est nié de cette façon-là, quand on perd son identité ? Dans mon cas, j'étais comme anesthésiée. Mon corps et mon esprit ont réagi de cette façon pour survivre. Il y a ce silence terrifiant, car il fait noir, il n'y a pas de bruit, et on est en train de mourir. » C’est grâce à sa grand-mère à qui Emmanuelle va se confier, qu’elle va pouvoir sortir de ce cauchemar.

Un silence si bruyant sur M6

Programmation musicale :

  • Feu Chatterton "J'ai tout mon temps"
  • Clara Luciani "La Grenade"
  • Diawara London "Somaw"

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

4 min

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