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Violences sexuelles : «La Ciivise n'appartient à personne, à part aux victimes», selon Sébastien Boueilh, son nouveau coprésident

Selon Sébastien Boueilh, la justice française «manque de moyens» et les affaires de violences sexuelles sur mineurs subissent des délais qui doivent être réduits en urgence. [FRANCK FIFE / AFP]

Maintenue par le gouvernement, la Ciivise a toutefois changé de direction. Sébastien Boueilh, ex-rugbyman et responsable associatif dans le milieu de la protection de l'enfance, a été nommé coprésident de la Commission indépendante sur l'inceste.

Quand il a appris qu'il avait été choisi pour coprésider la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), Sébastien Boueilh n'«en revenai[t] pas». Cet ancien rugbyman, lui-même victime d'abus sexuels lorsqu'il était adolescent, est engagé depuis dix ans dans la protection de l'enfance et compte sur son expérience d'homme de terrain pour mener à bien sa nouvelle mission.

Habitué à intervenir auprès des enfants dans le cadre de son association «Colosse aux pieds d'argile», Sébastien Boueilh a pour objectif de faire entrer la Ciivise dans sa «phase opérationnelle» avec l'aide de sa coprésidente, la pédiatre et experte judiciaire Caroline Rey-Salmon. Guidés par un consortium d'une vingtaine d'experts de la protection de l'enfance, ils auront pour rôle de veiller à l'application concrète des 82 préconisations formulées par l'équipe précédente, qui a recueilli près de 30.000 témoignages de victimes.

Quelles sont vos priorités en tant que nouveau coprésident de la Ciivise ?

Il y a deux choses. D'abord, proposer un accompagnement juridique et psychologique gratuit aux victimes, au niveau national. Cela concerne les victimes d'aujourd'hui mais aussi celles d'hier, qui ont été entendues par la Ciivise. C'est important de les rassurer et de leur dire qu'elles ne vont pas être abandonnées.

Ce serait malvenu de la part d'une ancienne victime de les mettre de côté. On va vraiment essayer de tisser un réseau national d'accompagnement dont elles pourront bénéficier.

L'autre objectif c'est d'écouter les victimes d'aujourd'hui, les mineurs victimes qui ont parlé, pour améliorer leur protection et la prévention. Ca prendra sans doute la forme d'un questionnaire qui leur sera distribué par les autorités pour identifier ce qui s'est bien ou moins bien passé dans leur prise en charge.

Quelles sont les grandes étapes de cette «phase opérationnelle» ?

Il y a la formation des professionnels à la prise en charge des violences sexuelles sur les mineurs. On a eu une expérimentation de formation la semaine dernière à Paris qui a rassemblé plus d'une centaine de personnes.

Ca nous a permis de constater qu'il y a du très bon, du bon un peu de mauvais. Donc il faut ajuster pour que cette formation de trois jours soit la plus professionnelle et pertinente, en essayant aussi de la faire labelliser. Quand elle sera au point on fera une tournée des régions dédiée à la formation des professionnels.

Je suis la preuve qu'on peut s'en sortirSébastien Boueilh, nouveau coprésident de la Ciivise

C'est une étape cruciale parce qu'il faut que les adultes soient capables de s'adapter à l'enfant et non l'inverse. Ce sont les professionnels qui doivent venir à la rencontre de la victime. Ensuite, quand on aura formé, on pourra lancer une grande campagne de prévention.

Sait-on recueillir la parole des enfants victimes de violences sexuelles aujourd'hui en France ?

Ca s'améliore, tous les services de l'Etat montent en compétence sur l'audition des victimes mais il y a encore beaucoup de travail et on partait de loin. C'est un sujet qui est pris en main par le gouvernement et c'est à nous de veiller à ce qu'il reste sous tension.

Il manque encore des moyens à la justice, on ne peut pas se permettre d'accepter qu'un enfant parle et attende quatre ou cinq ans que le procès arrive et que le mis en cause soit jugé. Il faut améliorer ça en urgence parce que ces enfants, lorsqu'ils attendent, passent par des phases catastrophiques d'autodestruction.

Pourrez-vous être à la fois le président de «Colosse aux pieds d'argile» et celui de la Ciivise ?

Je vous garantie que je ne vais pas laisser tomber «Colosse aux pieds d'argile», c'est une certitude. Tout simplement parce que le mode de fonctionnement de la Ciivise va être différent. Nous on va être bénévoles et ce n'est pas la présidence seule mais le consortium d'experts qui sera chargé de la commission. La Ciivise n'appartient à personne, à part aux victimes. Elle sera portée et représentée par tous ses membres.

D'ailleurs, les associations seront beaucoup plus représentées et seront partie prenante de la Ciivise parce que ce sont elles qui font le plus de prévention. Il s'agira d'associations qui travaillent au niveau national, qui font du volume. Parce que ce volume permet d'avoir un terreau assez fertile de propositions, de remontées de terrain qui nous permettront d'affiner nos préconisations.

Votre histoire personnelle constitue-t-elle un moteur pour mener à bien cette nouvelle mission ?

Mon histoire personnelle est ce qui m'a mené là où je suis aujourd'hui. Mais c'est surtout un message d'espoir que je veux envoyer à toutes les victimes parce que je suis la preuve qu'on peut s'en sortir. C'est quelque chose qui est fort et qui doit leur donner le courage pour sortir du silence.

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