CIIVISE - Il cherche à comprendre les raisons de son éviction et craint pour l’avenir de la Ciivise. Le magistrat Édouard Durand, ancien président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, a affirmé ce mardi 12 décembre sur RMC « ignorer » pourquoi le gouvernement a décidé de le remplacer par un nouveau duo de présidents.
« Personne n’est irremplaçable, mais personne n’est jetable. Tout n’est pas du marché. Les humains ne sont pas des déchets », a-t-il taclé à l’adresse du gouvernement qui a annoncé lundi la nomination du responsable associatif Sébastien Boueilh et l’experte judiciaire Caroline Rey-Salmon à la tête de la Ciivise.
« 30 000 témoignages renvoyés dans le silence »
Édouard Durand pense tout de même que si l’exécutif l’a poussé vers la sortie, c’est que ses idées ne sont plus alignées avec celles du gouvernement : « Ce n’est pas la couleur de mes cheveux, la forme de mon nez, ou les rayures de mon costume qui posent problème. Enfin, je l’espère. Si on veut changer, c’est pour changer la doctrine, la ligne », regrette-t-il dans la séquence ci-dessous.
Le juge pour enfants a, par ailleurs, fait part de son inquiétude sur le futur de cette commission, dont le travail devait prendre fin le 31 décembre mais a fini par être prolongé par l’exécutif. Mais pour le juge, son maintien ne suffit pas.
Sur son compte X, ex-Twitter, il reproche à l’État de ne pas comprendre la force de la Civiise, qui réside dans les témoignages des victimes : « Dans la communication du gouvernement, il n’y a pas un mot pour les femmes et les hommes qui ont témoigné à la Ciivise : leur parole est comptée pour rien. 30 000 témoignages renvoyés dans le silence ». Depuis mars 2021, la commission indépendante a en effet récolté des milliers de témoignages pour élaborer un rapport de 82 recommandations pour lutter contre ce « crime de masse » qui touche 160 000 enfants chaque année.
« Le recueil des témoignages et l’élaboration de politiques publiques sont indissociables. Les séparer, ce serait renvoyer à nouveau la parole des victimes dans l’espace du privé », poursuit-il, affirmant que la « nouvelle organisation ne donne aucune garantie ».
Un franc-parler qui dérangeait
Depuis plusieurs semaines, l’éviction d’Édouard Durand était discutée au gouvernement, expliquait une source proche du dossier en novembre. Son aura médiatique, la mise en cause répétée des dysfonctionnements du traitement judiciaire des violences sexuelles, mais également son indépendance agaçaient, selon des observateurs.
Du côté des associations, le soutien au juge pour enfants était pourtant presque total. À l’instar d’Arnaud Gallais, membre de la Ciivise et président de l’association BeBrave de « survivants de violences sexuelles », qui estimait qu’écarter Édouard Durand serait « une erreur stratégique ». « Le signal envoyé ne serait pas bon, ça remettrait en question quelque chose qui est essentiel pour les victimes, la question du lien », précisait-il.
« La liberté de ton qu’a la Ciivise pour demander des évolutions du droit, de la prise en charge des victimes est nécessaire », abondait de son côté Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la Cnape, première fédération d’associations de protection de l’enfance.
Après plus de deux ans de travail, la Civiise va donc être remaniée. Dans sa nouvelle version, elle se penchera non seulement sur l’inceste, mais aussi sur la prise en charge des mineurs victimes de prostitution ou de pédocriminalité en ligne, la prise en charge des auteurs de violences sexuelles sur mineurs et la formation des professionnels aux contacts des enfants « aux gestes les plus protecteurs », détaille un communiqué du gouvernement.
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