Ciivise : l’imprescriptibilité est elle souhaitable ?

Un procès en cours au Palais de justice d'Angers, le 23 mars 2005. ©Getty - Francis DEMANGE
Un procès en cours au Palais de justice d'Angers, le 23 mars 2005. ©Getty - Francis DEMANGE
Un procès en cours au Palais de justice d'Angers, le 23 mars 2005. ©Getty - Francis DEMANGE
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Dans son rapport publié le 17 novembre, la Ciivise recommande de rendre imprescriptibles les crimes et les agressions sexuelles commis contre des enfants. Comment notre système légal s'en retrouverait-il bouleversé ? En quoi ces débats traduisent-ils l'évolution de notre société ?

Avec
  • Audrey Darsonville Professeure de droit pénal à l’université Paris Nanterre
  • Carine Durrieu Diebolt Avocate spécialisée dans l'accompagnement des victimes, membre de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants
  • Anne-Emmanuelle Demartini Historienne, professeure d'histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre du centre d'histoire du XIXe siècle et membre du projet Dervi

Parmi les 82 recommandations du rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants remis il y a presque deux semaines au gouvernement, la plus débattue est celle qui préconise l’imprescriptibilité pour ce type de crimes.

Jusqu’à aujourd’hui, l’imprescriptibilité est applicable pour les crimes contre l’humanité. Mais que changerait cette préconisation si elle était appliquée pour les victimes comme pour les agresseurs ? Cette suppression de la prescription est-elle utile quand la loi de 2018 relève la prescription de 20 à 30 ans à compter de la majorité de la victime ?

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Nous en débattons avec nos trois invités :

Audrey Darsonville Professeure de droit pénal à l’université Paris Nanterre

- Carine Durrieu Diebolt Avocate spécialisée dans l'accompagnement des victimes, membre de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants

Carine Durrieu Diebolt estime que “la prescription actuelle est une nouvelle violence faite aux victimes, parce qu'elles ne sont pas toujours prêtes à déposer plainte dans les délais de prescription actuels. C’est une nouvelle injonction qui leur est faite par la société”.

Audrey Darsonville affirme elle que,“parfois, la date butoir de la prescription est au contraire un délai qui peut aussi inciter à la prise de parole. C'est-à-dire qu'il y a des victimes qui, parce qu'elles savent que bientôt le couperet de la prescription va tomber vont parler pour éviter la prescription ”.

Anne-Emmanuelle Demartini Historienne, professeure d'histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre du centre d'histoire du XIXe siècle et membre du projet Dervi

Nous avons représenté l'inceste comme cette chose extraordinaire, monstrueuse, tout à fait exceptionnelle. Mais ce que nous découvrons, c'est que l'inceste est relativement ordinaire et c'est cette banalité qui est effrayante. Il faut pouvoir penser l'inceste dans le fonctionnement d'une famille et, au-delà, dans le fonctionnement d'une société ” explique Anne-Emmanuelle Demartini .

Pour aller plus loin :

- Audrey Darsonville a codirigé l'ouvrage de  La loi pénale & le Sexe avec Julie Leonhard (Presses Universitaires de Nancy, 2015).

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