Inceste : le témoignage choc d’Arnaud Gallais

Dans « J’étais un enfant », Arnaud Gallais raconte les coups de son père et les viols de son grand-oncle et de ses cousins. Il est aujourd’hui engagé pour les droits de l’enfant. Rencontre.

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Arnaud Gallais a d'abord connu les coups. Ceux de son père. Puis ce sera l'inceste, commis par son grand-oncle et des cousins. Sur le papier, une famille « bourgeoise irréprochable », comme il la définit. Le père est directeur commercial. La mère, femme au foyer. Le couple a trois enfants : un garçon et deux filles.
Mais derrière les murs de la jolie maison de banlieue parisienne, les coups pleuvent. « À chaque retour de mon père de voyage d'affaires, la valise posée dans l'entrée, je sais qu'une pluie de coups de ceinturon s'abattra sur ma tête. Je dois payer mes fautes. Un rituel redouté. Une éducation à la virilité », détaille Arnaud dans son livre J'étais un enfant (Flammarion), dans lequel il revient sur ces violences et le double inceste dont il a été victime.

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« Tout le monde connaissait les violences de mon père et personne ne réagissait. » Il y a bien cette tentative, quand sa petite sœur, alors âgée de 4 ans, se confie à son institutrice. Convoquée, la mère d'Arnaud fait passer « l'incident pour une plaisanterie ». Le sujet n'ira pas plus loin.
Il y a aussi cette fois où, après une énième colère du patriarche, Arnaud décide de quitter la maison pour aller au commissariat. Le voisin, témoin de la scène, le dissuade. « Mon père était celui qui rendait service à tout le monde. Il n'avait même pas besoin de m'empêcher de le dénoncer, d'autres s'en chargeaient pour lui. »

Impossible pour l'enfant de l'époque de trouver une oreille attentive. « Les conditions n'étaient pas réunies pour que je puisse parler à un adulte de confiance », se remémore Arnaud.

La « proie idéale »

Il devient donc une « proie idéale pour ce grand-oncle, un prêtre missionnaire » qui, lorsqu'il est de passage en métropole, dort chez les Gallais. Malgré la maison spacieuse et une chambre d'amis à disposition, le père Rémy Laurendeau dort à côté d'Arnaud. « L'argument de mes parents a été de me dire que la chambre d'amis n'était pas rangée. »

Sous prétexte « d'éducation sexuelle », le prêtre va violer, à plusieurs reprises, l'enfant de 8 ans. « Il touchait mon sexe, il me mettait un doigt dans l'anus… Ça allait jusqu'à me sodomiser. Je n'ai pas peur de dire ce mot, il faut se rendre compte de ce qui se cache derrière le mot viol », révèle Arnaud. Le crime va se répéter jusqu'à ses 11 ans.

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Un souvenir enfoui ressurgit 13 ans plus tard

L'enfant devenu adolescent se construit en étant brisé. « J'ai sombré dans l'alcool, la drogue, je me suis même mis à dealer. Je pouvais boire un litre de gin sans que ça me fasse le moindre effet », raconte-t-il avec ce regard franc qui, jamais, ne le quitte. Dans le même temps, Arnaud voit un psychologue. « Je travaillais le week-end sur les marchés pour payer mes séances. »

À 25 ans, au cours d'une consultation comme une autre, Arnaud se rappelle un autre viol. Pas par son grand-oncle. Mais par ses cousins alors âgés de 15 et 13 ans, alors que lui en avait 12. « Le psy interrogeait mes souvenirs d'enfance. » Avec un recul déconcertant, sans prendre conscience de ce qu'il est en train de dire, Arnaud évoque les représentations théâtrales qu'il faisait, avec ses cousins, lors de rassemblements familiaux. « Nous étions en train de répéter, je jouais le rôle d'une femme. L'un de mes cousins, l'aîné, me dit : “Ben tiens, si tu étais une femme, je vais te montrer ce que je ferais.” » Il lui impose une fellation. Pendant ce temps-là, le deuxième cousin lui tient les poignets. « Ce qui m'a sauvé, c'est qu'ils ont reconnu les faits tout en les banalisant. »

C’est comme si je respirais toujours comme lorsque j’ai été violé.

Le corps d'Arnaud est marqué par toute cette violence. « En 2015, après la naissance de mon fils, j'ai fait une alerte pulmonaire. » À l'hôpital Bichat où il est hospitalisé, les médecins peinent à en trouver la cause. C'est une pneumologue qui va déceler l'origine du problème. « Elle m'ausculte et me demande : “Monsieur, est-ce que vous avez été victime de violences sexuelles ?” »

Sa façon de respirer, elle la connaît. Seules les victimes de violences sexuelles respirent comme cela. « Elle me dit qu'il n'y a rien à faire. En quelque sorte, c'est comme si je respirais comme lorsque j'ai été violé. » Son poumon se détériore, le cœur est également touché. « J'ai des médicaments à vie. J'ai aussi des problèmes digestifs qui m'obligent à être sous traitement. »

Comme pour panser ses propres plaies, Arnaud a décidé de s'engager. Activiste pour les droits de l'enfant, il est membre de la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), il a aussi créé Mouv'Enfants, « un mouvement de lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants ». Tout cela dans un seul but : éviter que d'autres enfants subissent ce qu'il a connu et pour « que la peur change de camp ».

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Commentaires (13)

  • AdLib

    C'est le témoignage le plus fort et le plus informatif que j'aie jamais lu sur ce sujet. Merci à Arnaud Gallais pour son courage et la description terriblement émouvante, mais précise et dépassionnée, qu'il a réussi à en donner.
    Puisse ce témoignage aider de nombreux enfants et adolescents à ne pas devenir eux-mêmes victimes ou à trouver autour d'eux l'écoute nécessaire.
    Et aider de nombreux parents à redoubler de vigilance  !
    Ainsi que tous les éducateurs à trouver les mots justes pour "éduquer" en temps utile, afin que les enfants puissent mieux se défendre eux-mêmes.

  • lac69

    Dans les familles, il n'y a pas de règlement intérieur mais il y a quand même un contrôle social... Et des pervers qui le détourne.
    C'est mon analyse. Elle n'est pas forcément juste mais si ça peut aider certains...

  • Skalou

    Tellement horrible !
    Tout mon respect pour la force qu'Arnaud Gallais trouve en lui pour en parler et s'engager pour cette cause.