Édouard Durand : "Peut-on reprocher à un enfant à qui on brûle la langue de ne pas avoir parlé à temps ?"

Édouard Durand est le co-président de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) ©AFP - Julien de Rosa
Édouard Durand est le co-président de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) ©AFP - Julien de Rosa
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Édouard Durand est le co-président de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) ©AFP - Julien de Rosa
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La Commission Inceste publie son rapport final: Édouard Durand, président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) est l'invité de 6h20

Ce vendredi, la Ciivise, Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, rend son rapport final et émet plusieurs préconisations. Après avoir recueilli 27 000 témoignages et établi qu'un enfant sur dix était concerné en France, "il faut comprendre que cette parole", celle des témoignages, "doit structurer la société dans sa légitimité", affirme Édouard Durand, juge des enfants et co-président de la commission.

Pour une imprescriptibilité des faits

"Rendre imprescriptible la poursuite des viols et des agressions sexuelles commises contre les enfants et notamment l'inceste, le 23 janvier 2021, nous, les membres de la Ciivise, nous savions que nous ne pourrions pas esquiver cette question", explique-t-il. "Parce que peut-on opposer le temps qui passe aux enfants enfermés par l'agresseur et par la société complaisante dans le silence ? Peut-on reprocher à un enfant à qui on brûle la langue avec un mégot de cigarette de ne pas parler à temps ?" cite-t-il en exemple. "Il ne faut pas passer à côté du fait que la violence, c'est violent : c'est ce que le mot veut dire".

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"Nous avons d'abord considéré qu'il n'y avait aucun obstacle insurmontable pour ne pas répondre oui, il faut rendre imprescriptible ces crimes et délits, ou non : et nous devions faire un choix", détaille Édouard Durand. Il rappelle que les fondements de la prescription sont la paix sociale d'une part, et la carence du plaignant d'autre part : ""Vous auriez dû le faire plus vite"... avec une amnésie traumatique ? Avec toute une famille qui vous menace, avec une justice qui vous fait peur et qui dans 70% des cas remplace la vérité judiciaire, la substitue à la vérité" dit-il, rappelant que certaines victimes ont subi jusqu'à 2 000 viols pendant 20 ans.

"Oui, nous avons les moyens"

Parmi les autres mesures proposées, un dépistage systématique via un rendez-vous annuel pour les écoliers avec le médecin ou l'infirmière scolaire. Et sur la question de son financement, "nous avons montré que le coût économique annuel de l'impunité des violeurs d'enfants, c'est 9,7 milliards d'euros par an. Donc ma réponse est claire : oui, nous avons les moyens. Il suffit de savoir si nous préférons les laisser entre les mains des pédocriminels ou les consacrer aux enfants qui sont les victimes de ces pédocriminels."

Enfin, autre mesure proposé : reconduire la Ciivise dont le mandat est censé se terminer à la fin de l'année : "Qui peut prétendre sérieusement que trois années auraient suffi pour lutter contre un déni qui est enraciné en chacun de nous depuis tant d'années ? C'est impossible. Pour ma part, je souhaite, oui, poursuivre cet engagement", affirme son actuel co-président. "C'est un engagement, c'est le prix à payer mais c'est le prix de la fidélité à la parole des victimes".

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