Parents s'engage pour lutter contre l'inceste

Enfant victime d’inceste : quels sont les signaux qui doivent alerter ?

Publié par Guillaume Botton  |  Mis à jour le

En collaboration avec Lola Fourcade (Pédopsychiatre)

Il est souvent très compliqué de repérer un enfant victime d’inceste. Outre la libération de la parole, très difficile à obtenir, les symptômes sont aussi variés que nombreux. Lola Fourcade, pédopsychiatre à Paris, témoigne de son expérience et livre les clés afin de reconnaître un enfant victime de cet acte odieux.

Le chiffre est glaçant. Selon la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), lancée en janvier 2021, en France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes. Au total, 160 000 enfants sont ainsi agressés chaque année. Des chiffres alarmants qui pourraient être plus élevés… En effet, comme l’explique Anne Clerc, déléguée générale de l’association Face à l’inceste, « 70 % des plaintes déposées pour des violences sexuelles infligées aux enfants font l’objet d’un classement sans suite par le procureur de la République à l’issue de l’enquête ». La raison de ces classements sans suite ? L’infraction est « insuffisamment caractérisée ». Il s’agit bien là de la principale difficulté lorsqu’un enfant est victime d’inceste : s’en rendre compte malgré l’omerta. Alors, quels sont les signaux qui doivent alerter ? L’éclairage du Docteur Lola Fourcade, pédopsychiatre à Paris.

Enfant victime d’inceste : la définition

Selon la loi, les viols et les agressions sexuelles (art. 227-27-2 du Code pénal) sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis « au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
« L’inceste génitalisé (c’est-à-dire avec pénétration, ndlr) chez l’enfant est plutôt rare, débute Lola Fourcade, pédopsychiatre à Paris. En revanche, les abus sexuels avec attouchements, qui peuvent faire autant de dégâts qu’un rapport sexuel entier, sont malheureusement très fréquents. »

Comment savoir si l’enfant a subi un abus sexuel ou des attouchements incestueux ?

C’est la principale difficulté rencontrée par les parents et les professionnels de santé : « Ce sont des cas que nous diagnostiquons difficilement parce que le premier effet de cette effraction sur l’enfant – c’est-à-dire l’arrivée d’un contenu sexuel pour lequel il n’est pas psychiquement préparé – a le même effet pour lui qu’un lapin qui se fait prendre dans les phares d’une voiture », explique Lola Fourcade, qui poursuit : « Il y a un effet de sidération. La maturité psychique de l’enfant ne lui permet pas de comprendre l’acte, ce qui est en train de se passer. Il y a d’abord la sidération psychique, la douleur physique éventuellement, et souvent la connivence avec l’adulte, puisque les incestes passés sous silence sont le plus souvent les incestes intrafamiliaux ou de gens de l’entourage. » En quelque sorte, l’enfant va créer un système de défense, comme le précise l’experte : « Il est très difficile pour l’enfant de parler, parce qu’il existe un mécanisme patho-psychologique assez fréquent chez l’enfant qui est de penser qu’il est responsable de ce qui se passe dans le lien avec l’adulte. L’enfant va d’abord se dire qu’il a mal fait les choses. L’inceste se diagnostique d’ailleurs souvent plusieurs années plus tard, quand l’enfant se met à parler avec l’arrivée de la puberté et l’exploration sexuelle, il réalise qu’il lui est arrivé quelque chose de pas normal avec un adulte. C’est à ce moment-là que cela est extrêmement douloureux, parce que ça réactive en même temps la douleur morale et éventuellement physique qu’il a vécue, mais aussi sa culpabilité. »

Comment reconnaître un enfant victime d’abus sexuel ou d’attouchements ?

Lola Fourcade précise en tout premier lieu que ce n’est pas un seul symptôme, mais un faisceau d’indices, qui doit alerter le parent ou le professionnel de santé. « Il s’agit en effet de la convergence de plusieurs signaux », explique la psychiatre.

Quels sont les signaux qui doivent alerter ?

Qu’ils soient somatiques ou purement physiques, d’innombrables symptômes peuvent alerter :

  • des douleurs abdominales récurrentes
  • des maux de tête qui ne s’arrêtent pas
  • de la constipation
  • des scarifications ou des auto-mutilations
  • des gestes auto-agressifs qui se répètent
  • la perte d’appétit et les troubles du comportement alimentaire en général (anorexie, boulimie)
  • des troubles du sommeil tels que l’Insomnie, une difficulté à s’endormir ou des cauchemars fréquents
  • des épisodes de pipi au lit
  • un refus soudain d’aller à l’école
  • une hyperagitation
  • des troubles du comportement, dans les jeux, la colère, la violence, les jeux sexuels
  • une masturbation compulsive, même lorsqu’il est petit
  • il se fait harceler ou se mue en harceleur à l’école
  • peur ou refus du contact physique, particulièrement de son père ou de sa mère
  • un changement de comportement lié à une douleur morale massive, telle que la tristesse, voire parfois la dépression
  • une reproduction dans la relation avec les autres d’une relation de soumission

Face à cette multitude de symptômes, Lola Fourcade insiste : « Il n’y a jamais une seule cause qui doit alerter les parents ou le professionnel de santé, mais la convergence de plusieurs signaux. Lorsque je reçois des enfants présumés victimes, la première chose que j’essaie de faire est d’instaurer un climat de confiance, afin d’ouvrir le champ de la parole, ce qui est le plus compliqué. » Ainsi, parfois, ce n’est pas tant un ou quelques symptômes qui vont alerter la psychologue, mais une ambiance générale : « Par exemple, lorsque je sens que l’intime n’est pas respecté, où la question de l’intimité de chacun est effractée. Lorsque l’enfant me dit qu’il prend la douche avec son papa, ou quand un papa insiste pour être présent lors de l’électrocardiogramme de sa fille de 14 ans. Bref, des petites choses qui montrent que l’intimité de l’enfant n‘est pas respectée. »

Quelques signes physiques à ne jamais négliger

  • des ecchymoses sur les cuisses ou ailleurs sur le corps.
  • des douleurs et plaies non expliquées dans les régions anales et génitales.
  • des irritations génitales et buccales.
  • des infections urinaires récurrentes.
  • une perte ou prise de poids soudaine.

Un seul numéro à composer : le 119 

Les enfants, adolescents et jeunes majeurs jusqu’à l’âge de 21 ans, ainsi que les adultes confrontés ou préoccupés par une situation de maltraitance d'un enfant, doivent contacter le 119. Ce service est joignable sans interruption et est à l'écoute pour les signalements de violences sexuelles : inceste, viol, exhibition, attouchement, mutilation sexuelle, harcèlement, visionnage de pornographie, etc. 

Comment faire parler un enfant qui a subi un inceste ?

Lorsqu’un enfant a été victime d’inceste, la tâche la plus compliquée est de le faire parler de son traumatisme. Pour cela, Lola Fourcade conseille d’évoquer le sujet de manière simple et directe : « Il est vrai que l’on peut être gêné, même en tant que professionnel, d’aborder le sujet de la sexualité et du rapport à son corps avec les enfants, et encore plus les adolescents. Il ne s’agit pas de se transformer en inspecteur gadget, mais il s’agit de poser des questions simplement aux enfants comme aux adolescents. Dès que l’on ouvre le champ de la parole, les choses deviennent possibles. Ils sont, en effet, très réceptifs quand on le fait sereinement. Il faut une parole assez simple autour de ces questions. « Est-ce que quelqu’un a touché à ton corps et tu n’étais pas d’accord ? Est-ce que tu te souviens d’avoir eu mal ? » En disant les choses simplement, on envoie ainsi le message à l’enfant qu’on a le droit d’en parler. C’est une manière de ne pas banaliser, mais de ne pas dramatiser. Et à ce moment-là, ils sentent qu’il est possible d’en parler sans honte, puisqu’évidemment, la chape de honte associée au traumatisme est souvent majeure. »

Oui
il y a 2 mois
Les écrans sont une addiction comme les autres. En abuser c'est consentir à droguer son enfant en le rendant dépendant de la communication virtuelle, ...
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Non
il y a 7 jours
Oui et non. 1. ​Oui ​pour la télévision , 2. ​non pour l'internet. 1. ​Nous avons renoncé à la télévision depuis 2010 ! ​2. ​Pour ​int...
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